mercredi 6 mai 2020

Il n’y a pas de voyage sans échouage, pas d’errements sans échouement.



Notre dernier post n’avait-il pas quelque chose d’indécent? ....Trop de soleil, de ciel bleu, de paysages idylliques et de visages rayonnants...

visage rayonnant...
visage rayonnant...



A croire que notre voyage en bateau est un long fleuve tranquille, une vie de pacha sans souci. A croire que nous sommes épargnés de tout tracas, et que la situation du monde ne pèse en rien sur notre quotidien....


Que nenni. N’allez pas croire!





 Excusez nous l’expression, mais nous avons notre lot d’ «em....des » et si vous en doutiez, le résumé des 10 derniers jours lèvera tout malentendu!! A tel point que nous avons hésité à appeler ce blog la loi de Murphy.....

Rentrant de notre magnifique virée au Fort Jefferson, et rallumant notre téléphone après une semaine sans réseau, nous avons d’abord appris que notre maison de Mérignac avait été cambriolée pendant le confinement.... dommage pour nous : nous avions pris des sous-loc exprès pour que la maison ne soit pas vide ... grrr.... mais les circonstances en ont décidé autrement, ils sont allés se confiner ailleurs et la maison est restée plusieurs semaines à la disposition des voleurs qui ont eu le temps de bien identifier le peu de choses précieuses que nous avions délicatement stockées à notre départ....Petit coup dur, et surtout tractations très pénibles et compliquées avec l’assurance, l’expert, la Police, etc. le tout à distance, avec un réseau téléphonique un jour sur deux, et le décalage horaire qui ne simplifie rien quand nos interlocuteurs en télétravail ne sont joignables que le matin. C’est ainsi....

Pour autant le voyage doit continuer. Après un avitaillement à Key West en mode commando (3 adultes munis de masques, gants et de grands cabas remplissant 3 caddies pour tenir tous les 9 pendants 15 jours sans descendre à terre), nous mettons le clignotant et entamons notre remontée vers le Nord. Miami au programme. Mais la météo est capricieuse et nous oblige à faire quelques étapes.
Dès les premières nuits, nous faisons connaissance doucement, de loin, avec les si réputés « terribles orages » de Floride.
1ere trombe à key West




Déjà le matin du départ de Key West, juste au nord de notre mouillage, sous un nuage à peine plus gris que les autres, nous ne rêvons pas, c’est bien une trombe.










 Les premières nuits dans nos abris de fortunes se révèlent pour le moins « lumineuses ». Des nuits passionnantes à faire du calcul: Un flash beaucoup plus fort que les autres et « 1, 2, 3, 4...  12 secondes! 12 x380m/s = 4560m = ça se rapproche... »
Si on ajoute les vents tournants qui vont avec, cela fait des nuits courtes en sommeil et trop longues à se finir pour les capitaines.
7 miles Bridge - Les Keys -
Un petit plongeon avec les poissons sur un récif (qui sera notre dernier), et une nuit calme derrière Munson Island. Ouf, ça fait du bien. 

Pour la suite, nous identifions un mouillage dans la mangrove 30 MN plus loin, bien abrité du coup de Nord annoncé le lendemain soir,  mais difficilement accessible : un petit chenal slalome entre les hauts- fond sur 2 miles nautiques.
Les 2 Capitaines ont étudié la chose, se sont concertés, la météo est pour le moment favorable, grand ciel bleu, Mowgli file bon train et s’engage le premier dans le chenal, après avoir précautionneusement rangé les voiles et mis le moteur au ralenti.
La carte marine et la position des balises vertes et rouge du chenal se contredisent, le capitaine décide de faire confiance à ses trois cartographies différentes qui donnent toute la même info, ne pas passer entre les deux premières balises. ERREUR !
Les fonds remontent vite...notre sondeur indique 2 mètres de fond .... 1m80 puis « 1m50 » me crie Christophe. Gloups, cela est notre tirant d’eau, autrement dit la profondeur de notre quille. Impossible de faire demi-tour, le chenal est trop étroit. « 1m40!!! ! » nous ne bougeons plus, plus de doute, nous sommes échoués........

La carte marine est fausse, elle indique 1m80 à l’endroit où nous sommes. Plus loin, à moitié effacée, une balise signale «  DANGER - SHOALL »  à savoir « Haut-fond » Ah tiens.....

La galère c’est que nous sommes marée descente. Le niveau d’eau baisse et nous n’avons donc pas beaucoup de chance de pouvoir nous sortir de là. Le temps que Freestyle arrive, nous hélons une vedette à moteur qui passe au loin. Gentiment, ils essaieront de nous tirer avec une amarre...qui cassera sous l’effort mais Mowgli, bien posé et commençant à pencher sur sa quille ne bougera pas d’un pouce. Bon....

La situation n’est pas catastrophique, il suffit d’attendre que la marée remonte.

Sauf que la pleine mer est à 1 h du matin, et manœuvrer en pleine nuit dans un chenal étroit et compliqué n’est jamais enthousiasmant...
La cartographie étant fausse, cela va être chaud pour trouver la bonne sortie et ne pas se ré-échouer plus loin.

Et puis, soudain, tout s’accélère.

D’un coup, en quelques minutes, le ciel s’assombrit. Il s’assombrit sérieusement.... Merde !  un orage arrive.

Punaise, mais pourquoi doit-on se prendre un orage pile à ce moment là ???

Vite Christophe monte dans l’annexe pour mettre une ancre arrière et éviter que Mowgli dérape encore plus vers les hauts-fond portés par le vent. La mer se lève méchamment. Le vent forcît. Le bateau tape sur son safran. L’annexe, avec Christophe et son ancre à bout de bras, bondit comme un cabri dans les vagues. In extremis, Christophe arrive à mettre l’ancre et à revenir à bord. David qui était venu en annexe voir ce qu’il pouvait faire pour nous aider, laissant la casquette de Capitaine à Anne, a réussi à rejoindre Freestyle à temps.
La mer est blanche d’écume. Le ciel est noir. Ça siffle dans tous les sens. Christophe me tend le bouts pour attacher l’annexe. A ce moment là , le vent monte plus fort (notre anémomètre a enregistré 44,7 noeuds soit 80 km/h), notre génois mal bloqué se déroule d’un seul coup. Sous le choc, je lâche le bouts de l’annexe qui évidemment poussée par le vent s’éloigne... Je hurle. Sans hésiter, Christophe plonge pour essayer de la rattraper.

Voici, à ce moment là, le tableau de Murphy :

Mowgli est échoué en plein orage, poussé  par le vent, les vagues et le courant vers les hauts-fonds, le génois qui claque au vent, Christophe à l’eau et l’annexe qui dérive.

Alors ?


Alors, Christophe a rattrapé l’annexe et réussi à la tirer jusqu’au bateau.
Alors, à l’aide du winch, j'ai réussi à enrouler le génois sans casse.
Alors, grâce à l’ancre que Christophe a mouillé extremis dans le chenal, nous n’avons pas trop dérivé.

Et puis, le vent a fini par se calmer, l’orage est passé. Nous avons pu reprendre nos esprits. Mettre une 2ème ancre a l’arrière encore, plus au nord dans le chenal, tout ranger, sécuriser et attendre, attendre, attendre que l’eau remonte.

Là, Murphy a dû avoir un autre Client plus urgent ou important, le cours des choses s’est inversé. Avec un vent à nouveau favorable après l’orage nous poussant vers le chenal et l’inversion du courant, la technique de Chris a super bien marché : quart d’heure après quart d’heure, nous tirions au winch sur nos deux ancres arrières pour déhaler le bateau et soudain, avant le coucher du soleil, Mowgli s’est redressé et a flotté à nouveau. En moins de 5 minutes, déployant un sang-froid et une force spectaculaire, Christophe a hissé les 2 ancres sur le pont, pendant que je démarrais le moteur et ouf... nous retrouvions l’eau plus profonde du chenal.
Fresstyle étant passé entre temps, ils nous avaient indiqué le bon côté à prendre.

50 minutes plus tard, nous étions tranquillement au mouillage, à l’abri derrière notre mangrove. Le vent subitement complètement tombé, c’est le calme plat.

Mais à peine avions nous repris nos esprits, et bu un petit pineau (merci Thierry, c’est la dernière bouteille) pour fêter ça, qu’une autre plaie nous attendait : moins dangereuse évidemment, moins visible assurément mais sournoise et infernale... une attaque de mout-mouts. Arghhhhh!!!

Qu’est ce donc que les mout-mouts ? Une mini-mouche- moustique quasiment invisible à l’œil nu qui vous défonce de piqûres extrêmement urticantes.
La trêve aura été courte, nous fonçons sous nos draps dans une chaleur suffocante... ouf, les enfants sont épargnés, déjà dans leurs couchettes, mais Christophe et moi sommes recouverts de piqûres, jambes, chevilles, dos défoncés... Une bonne nuit en perspective!

Les deux jours qui vont suivre, auraient été tranquille sans l’ombre des mout-mouts qui rodent dans le coin et sans la crainte de devoir repasser par le passage « chaud » du chenal....

Finalement, le vent plus fort et les moustiquaires (merci Mamita!) ont réduit le nombre de mout-mouts à la « portion supportable », et après avoir fait et refait calculs et observations de la marée sur notre mouillage, la sortie du chenal à la pleine mer, s’est bien passée. direction Miami!

Très belle navigation, et Arrivée majestueuse aux pieds des grattes-ciel. Wahou.... Un nouveau monde s’ouvre à nous. Finis la mangrove et les Keys, mais aussi, finis les baignades et les poissons colorés....









 



Nous sommes mouillés au sud de Miami, devant des villas luxueuses qui occupent tout le front de mer, au loin l’entrée de Miami, les gratte-ciel mais aussi les pont que nous allons devoir franchir, alors avant cela nous avons besoin de reprendre notre souffle, passer une nuit au calme, voir même on va se reposer aussi demain, on en a bien besoin.













Américan way of life...

 
Mais si Murphy nous a laissé un répit une nuit, il n’en a pas fini avec nous.
Le matin se lève sur un ciel radieux, un temps magnifique. Petite matinée école, l’après midi nous envisageons des jeux d’eau pour défouler les enfants. Nora reste déjeuner avec nous après l’école, tout est bien, tout est calme, le café coule...


 
 « Dis Barbara, prends l’appareil photo, et viens voir ce ciel dans le sud. Dans les jumelles on dirait une tornade, ou une trombe, et ce ciel... »


 En quelques minutes, le ciel s’obscurcit, une barre nuageuse remonte vers le nord à grande vitesse, puis la même chose apparaît dans l’Ouest. Plus le temps du café, ni de la contemplation, il faut rallonger et vérifier le mouillage, remonter et fixer l’annexe sous le portique, ranger ou attacher tout ce qui se trouve sur le pont ou dans le cockpit. Avec l’aide des enfants, tout est en ordre quand le vent tourne de 180° et monte violemment à 40nds.
Notre ancre fait son boulot, quand la chaîne se tend à nouveau, elle pivote et s’enfouit profondément dans le fond de sable et vase. Il n’en est pas de même pour les Freestyle, leur ancre chasse et refuse de remordre le fond, ils dérapent vers les terrasses et piscines des villas qui disparaissent derrière le rideau de pluie. David n’aura juste le temps que de sortir, démarrer ses moteurs et rester à la barre pour tenir le bateau face aux bourrasques de vent. Il tiendra 35 minutes torse nu, en short dans des bourrasques de pluie et de vent. 
L’orage passé, Freestyle remouille son ancre, et Mowgli est rincé à l’eau douce. La nuit suivante, le vent a tourné Nord-Ouest et forci, pour nous, rien à signaler, nos ancres tiendront, mais les deux capitaines passeront un partie de la nuit à surveiller le yacht qui lui dérape inexorablement vers nous. Le vent tombera à temps, il ne percutera personne.

A la fin de ce post, la progression de l'orage en images.

S’ouvre maintenant le grand livre de la frustration pour nous... nous sommes là mais ne pouvons rien faire à terre. Pas de visite, pas de contact..... Comme la vitrine d’un primeur que l'on aurait trouvé  après un long périple a manger des pâtes et du riz, sans pouvoir rentrer à l’intérieur...

Et puis, le confinement pour nous depuis 2 mois, c’est aussi, des jours et des jours sur notre bicoque sans mettre pied à terre du tout, mais c’est aussi, l’eau rationnée, pas de douche, pas de lessive. On se lave à l'eau de mer, et on nettoie au seau les quelques affaires indispensables. C’est long... 

Paysages magnifiques certes, aventures qui continuent bien sûr, mais nos nerfs sont parfois mis à rude épreuve. Comment allons-nous envisager la suite ? Comment allons nous faire notre « déconfinement volontaire » ( aux US il n’y a pas d’interdiction de sortie) ? Allons nous nous autoriser à aller à terre et à être potentiellement en contact avec le virus ?

Pour le moment, nous sommes au spectacle grandeur réelle : les couleurs sur les tours de Miami sont incroyable vu du mouillage.. sans parler des terribles orages qui se sont abattus sur nous, nous rappelant que le Sud des Etat-Unis est aussi la terre des tornades!

Plaisance  ? Vous avez dit plaisance ?.... !





La progression de l'orage en images.












Freestyle dans la tourmente

Freestyle dans la tourmente

30 minutes après l'orage

le lendemain matin, un soleil radieux se lève sur Miami







Balises le long des Keys

Balises le long des Keys

Chris s'est fait un look Biker Local

dans les chenaux au sud de Miami

dans les chenaux au sud de Miami

dans les chenaux au sud de Miami

dans les chenaux au sud de Miami

dans les chenaux au sud de Miami