vendredi 3 avril 2020

Cuba : quand le voyage devient aventure


(Article écrit il y a 15 jours mais impossible à publier jusque là.)




 

Arrivés à Santiago de Cuba début mars, en toute insouciance, nous avons vécu avec intensité les quelques jours passés sur place. Loin des enjeux du monde, souffrant toujours et encore de l’embargo réactivé par Trump, sous perfusion de l'argent du tourisme, Cuba reste un endroit unique au monde. 







Notre grande question était de savoir si, en 7 ans (nous y étions pile en mars 2013), et avec la légère ouverture permise par Obama dans les relations cubano-américaines,  le rouleau compresseur de la mondialisation avait fait son œuvre. Force est de constater que Cuba reste toujours la belle endormie, et la seule chose qui semble avoir changé est un réseau de téléphones portables qui fonctionne et quelques points wifi sur les grandes places ou les grands hôtels. 

 









A part cela, ce fut le même vertige pour nous en arrivant à Santiago dans notre taxi bringuebalant depuis la Marina ( elle même à moitié délabrée). Sur des kilomètres à l'entrée de la ville,  avant de rejoindre le quartier historique très touristique, peu de voitures, aucun commerce si ce n'est quelques charrette de vendeurs ambulant, aucune publicité, pas de plastiques, pas de déchets. Les peintures sont rincées, les habitations d’un autre âge mais tout est parfaitement propre, rangé, entretenu. L’herbe du bas-côté est fauchée (à la main par des travailleurs volontaires), les arbres taillés à la machette.

Casa Cultural - Santiago




Ecoliere à la cabine téléphonique


Les enfants sortent de l’école en uniforme. Les cubains n’ont rien. Les marchés sont approvisionnés en produits frais de première nécessité mais les oeufs et les pommes de terre restent des denrées rares qui parfois ne se trouvent qu’au marché noir. Mais les Cubains ont cette dignité et cette éducation, tintée d’un peu (beaucoup) de propagande et de contrôle, qui les amène à prendre soin : prendre soin du peu qu’ils ont et prendre soin des touristes et autres voyageurs, cordon ombilical avec le monde et surtout sources de quelques argents ou objets à récupérer. Comme lors de notre précédent voyage, même le "Harbour Master" de la Marina en costume-cravate, sortant de son grand bureau, m’a demandé si nous n'avions pas des briquets a lui donner....


les Dominos, un sport NATIONAL!
 
dessins d'enfants

Nous voilà donc à Cuba dans un autre monde.... nous entendons de loin en jetant un coup d’œil sur les actus lors de nos connexions internets que la crise du Coronavirus me semble pas s’arrêter, au contraire, des cas aurait été signalées en Italie. Mais nous sommes début mars, rien d’alarmant et nous déroulons notre programme avec comme objectif d’aller chasser la langouste dans les ilots des Jardin de la Reine. Nous prévoyons même ensuite d’essayer de faire venir mon frère de New York pour passer quelques jours avec nous dans les magnifiques Cayos de l’Ouest de l’île, réputés pour leurs spots de plongée.... Quelle insouciance ! 
les "Freestyles"
Le petit plus de tout cela, est d’avoir rencontré à Santiago une famille avec 3 enfants, avec un catamaran nommé « Freestyle », ayant le même programme que nous. 
Une fois n’est pas coutume, nous décidons donc de faire route commune et de nous suivre dans l’exploration des Jardins de la Reine





les jardins de la reine

on y est!!!!
Nous y passerons 10 jours délicieux, complètement coupés de monde.... 

"encore un coucher de soleil de M...." [ Soizic et Gérard ;-) ]
Et dans ces circonstances, être coupés du monde prend un sens particulier... Ces petits ilots de mangroves sont déserts, nous ne croiserons en 10 jours que quelques pêcheurs au loin... Pas de réseau téléphone évidemment, et nous avons mis notre téléphone satellite au placard, la météo étant réglée comme du papier à musique par ici. 

Nous ignorons tout des tumultes du monde... Nous occupons nos journées à faire l'école à bord le matin en mixant les enfants des 2 bateaux, et au snorkelling et chasse a la langouste les après midi. Le reste du temps nous cuisinons, lisons et blagassons avec les copains lors de grandes soirées animées à déguster nos langoustes fraîchement pêchées a toutes les « sauces ».... 

le repas est livré
le même livreur 7 ans plus tôt!

C’est presque par hasard que nous tomberons sur les informations : nous interrogeons ma sœur sur la situation au Mexique pour prévoir la suite de notre voyage. Pour cela , nous activons notre téléphone satellite et là, a l’autre bout du monde, perdu dans notre mangrove, enivrés de ces paysages magnifiques aux eaux turquoises, nous découvrons la situation : la propagation en Italie, en France, en Espagne, le confinement puis peu à peu la fermeture des frontières. 

Difficile de décrire notre état d’esprit dans ces moments là... partagés entre l’attirance d’être informés au jour le jour (ma sœur pauline nous fait des revues de presse quotidien depuis envoyées par satellite) et la nostalgie de notre douce ignorance passée.... 

Notre grande force a été de pouvoir partager cela en direct avec nos copains-bateau de Freestyle : grand besoin de débrieffer pour les adultes (et entre adultes uniquement ) et intérêt de préserver une ambiance de jeux et d’insouciance pour les enfants. 

A partir de là, notre quotidien a donc un peu changé et nous avons passé de longues heures à faire des plans sur la comète. 

Que faire ? 

Que faire quand nous sommes en voyage, sur notre bateau, et quand les frontières se ferment ??? 

D’un côté, nous avons la chance de pouvoir vivre en quasi autonomie : nos coffres sont remplis de pâtes et de riz, Freestyle a un dessalinisateur pour produire de l’eau douce et potable, nous avons le téléphone satellite et une petite expérience dans la pêche pour du frais.... de plus, nous sommes dans un coin paradisiaque et assez safe: Cuba est une île a priori sécure

D’un autre côté, impossible à ce jour de savoir comment va évoluer la situation et nous hésitons a retourner vers les Antilles françaises, laissées loin derrière nous avec des alizés à remonter.... 

Nos arrivons finalement à joindre nos copains bateaux restés bloqués en Guadeloupe: la situation n’est pas évidente non plus; confinement dans les bateaux, coincés au mouillage avec interdiction de bouger.... Toutes les îles de la Caraïbe ou presque ont fermé leur frontières et refoulent les bateaux qui arrivent. Il n’ y a donc pas grand choix.... 

Finalement, nous ne sommes pas si mal dans nos Jardins, libre d’aller et venir, avec nos plages désertes et nos langoustes. 

A cette heure, c’est donc l’option que nous avons prise: restés coupés du monde dans les cayos de Cuba, probablement pendant des semaines (on se prépare pour un mois et demi d’isolement)  en espérant que la situation s'améliore...
Toutes nos pensées vont vers nos proches, médecins et soignants, qui sont au front : Claudine, Amélie, Charlotte, Sylvie. Et vers vous tous, que nous aimons tant et qui vivaient cela de plein fouet..
Nous témoignons de notre histoire, dérisoire alors que s’écrit la grande Histoire loin de nous, essayant de ne pas être indécents ou maladroits tant les contrastes sont grands. Soyez assurés que si le voyage, en temps habituel, est déjà source d’introspection et de méditation, de telles circonstances donne une autre dimension et que l’on se sent très humbles sur notre coque de noix.

le blog d'il y a 7 ans: http://titeufketch.blogspot.com/2013/03/
 
belle navigation

Dorade Coriphene - elle a dejà perdu ses couleurs


les cheminées nauséabondes juste derrière la Marina de Santiago


 

brochette: Clarisse-Simon-Jules-Nora-Falco



Cayo Cuervo: clin d'oeil aux Coccinelles que nous avions retrouvés ici même il y a 7 ans
Cayo Cuervo avec les "Coccinelle" en 2013!

les jardins de la reine
les jardins de la reine
les jardins de la reine