lundi 16 décembre 2019

1er pas tant attendu : destination Canaries

Quand un voilier quitte La Rochelle pour rejoindre les alizés, il est d'usage de faire une halte reposante dans les belles Rìa de Galice, ou de profiter de la douceur du Portugal ou encore de découvrir Madère, au lieu de cela, nous sommes rentrés dans le vif du sujet : direct Canaries. 

En guise de galop d’essai, nous avons navigué 10 jours, parcourus 1400 miles et carrément changé de continent en longeant sur les derniers jours les côtes africaines.
Il faut dire que nous étions tous les 4 en pleine forme, ultra préparés et motivés pour rattraper le retard de novembre et surtout que avons bénéficié d’une fenêtre météo inespérée, et elle le fût vraiment.

Difficile de témoigner de l’émotion qui a été la nôtre, ou plutôt des émotions qui ont été les nôtres. 
photo Armelle Payer
















photo Armelle Payer

 Le départ tout d’abord, avait quelque chose de cérémonieux : au petit matin, soleil levant, dans un froid glacial, Mowgli passe l’écluse du Vieux port. Les copains bateaux les plus fidèles (merci Armelle,  Christian et Hubert) affrontent le froid pour un dernier au revoir, le chef de port (Christian Lemoine) en personne  descend de son bureau pour nous saluer, Mowgli passe entre les tours et nous avons un peu le trac. Un vent fort est annoncé en début de navigation, il fait froid, le thermomètre affiche 1° C ce matin.



Et puis ce n’est pas un 2 décembre comme les autres, alors cela rend le départ encore plus émouvant !  




                                                          

Une fois les voiles hissées, le bateau qui glisse et prend son cap, on oublie tout : concentration maximum. malheureusement, nous devrons réduire la toile très rapidement. Sous génois seul, et Super équipés avec nos 3 couches de vêtements éprouvés lors de nos navigations dans l’Arctique, nous ne souffrons même pas du froid. Les 2 premiers jours seront un peu « sport » car il y a une mer bien formée et ça roule dans tous les sens : nous faisons donc 48 heures de gainage intensif en vue d’échauffement physique et les enfants ont passé des heures dans le cockpit à « surfer » sur les vagues, prenant Mowgli pour leur planche de surf géante. 
Effet des 40 ans ou pas (!!!), Barbara n’a miraculeusement pas été malade, Clarisse à peine barbouillée pendant 24h et Jules dès le 2ème jour lisait la tête en bas à son habitude! 

Jours après jours, le rythme des longues navigations s’est installé pour nous plonger tous les 4 dans une délicieuse et trompeuse monotonie : rien ne change et pourtant chaque moment est unique. 






La magie du grand large ... indescriptible. 








Rien ne change car pendant des jours et des jours, nous sommes tous les 4 sur nos 20 m2, avec de l’eau tout autour et du vent portant. Pas de réseau, pas d’internet, pas de radio : rien, juste nous et les éléments. 




La mer d’abord, qui après avoir été agitée et nous avoir fait valdinguer, se calme peu à peu, change de couleur en fonction du ciel, brille au clair de lune, apporte des longues houles témoignant des tempêtes lointaines...


Le vent ensuite qui bien qu’établi Nord Est change de force nous obligeant à ajuster régulièrement le réglage des voiles. C’est ainsi, dans les moments de grand bonheur, que nous avons passé 40 heures avec notre tout nouveau Grand Génois Léger nous permettant, au large de l’Espagne,  de tenir une vitesse de 7 nœuds avec 10 nœuds de vent. 

Les rencontres ensuite, avec les dauphins venus nous saluer plusieurs fois, en particulier à l’arrivée aux Canaries, faisant des sauts magnifiques devant l’étrave du bateau, comme pour nous souhaiter la bienvenue. 

Et cette pêche qui est tombée à pic, un jour un peu mollasson, pas beaucoup de vent, petit coup de mou à bord et là, hop: la canne se tend, " ça mord, ça mord !!!! » : voilà un beau thon (un Germon très précisément de 70 cm, de la famille des thonidés, nous dirait Jules). Génial ! En moins de 30 min, le thon est monté à bord, les filets et steak sont découpés, les morceaux de choix mis à mariner dans du citron et d’autres jetés dans la poêle avec du beurre, voila de quoi régaler l’équipage pendant 3 jours!!!
 





 


Il y a aussi les heures de lecture, calme ou chacun d'entre nous est dans son univers,  ou au contraire, les grands moments de complicité, ou l’on met la musique à fond et on l’on chante comme des fous comme si le monde nous appartenait. Il y a les quarts de nuit, Christophe assurant la plus grosse partie et moi prenant le relais 2 à 3 heures par nuit, tantôt luttant contre le sommeil, tantôt enivrée de la quiétude du bateau qui file sa route dans la nuit noire. 


Les repas rythment aussi notre quotidien, toujours pris à 4, la plus part du temps assis à la table du carré, toujours avec du frais grâce à notre super nouveau frigo, avec des menus plus ou moins élaborés en fonction des conditions de navigation et de l’inspiration de la cuisinière. Outre les plats de notre beau poisson trop bon, on retiendra les gratins, les lasagnes, les quiches, et le boudin purée maison qui ont régalé l’équipage.


Hyper important la bonne bouffe en mer, tous les marins vous le diront!!!! 


Christophe a même eu droit a des pains au raisin maison sorti du four ( et sans gluten bien sûr [merci marie!]) pour son anniversaire (le 10 décembre) que lui aussi, histoire de faire snob a fêter sur l’eau au large du Maroc!!!! 






Que dire des enfants dans tout cela qui, - et cela nous étonne toujours- donnent l’impression que cette vie est absolument et tout à fait normal et ordinaire.  Si si je vous jure : Je joue au lego, je lie, j’écoute de la musique, je râle pour m’habiller, je réclame un dessin animé, etc. Et pendant ce temps là le bateau avance, inlassablement. 

Véridique - papis, mamies, tontons, taties, parrains et marraines, instituteurs et toutes autres personnes dépositaires d’un devoir de protection envers nos enfants- véridiques : pas une seule fois, ils n’ont dit «  quand est ce qu’on arrive???? » ou bien «  c’est long ».
Alors quand on leur demande à l’arrivée quelles conclusions pour cette première navigation, et qu’ils répondent en chœur, « ben c’est passé vite », cela ne nous surprend qu’à moitié. 

Après donc ces 10 jours de navigation, la température remontant au fil des jours, nous permettant d’enlever régulièrement une épaisseur de vêtements, et avec un vent là encore soutenu, nous permettant sur les dernières 24h des moyennes à 7,5 noeud, les Canaries sont apparues sous un ciel bas et brumeux.




 Qu’a cela ne tiennent, c’est beau quand même ! 









 


Alors, oui bien sûr, nous avons eu parfois notre dose de petits tracas ou contrariétés (l'obligation de mettre le moteur -grrrr- pour recharger les batteries ou faute de vent, les changements de quart en pleine nuit les yeux enfarinés, la houle croisée qui fait claquer les voiles, les quelques incontournables petits soucis techniques) mais à vrai dire, cela est presque oublié. 


La preuve, arrivés jeudi soir à Santa Cruz de Tenerife, nous parlons déjà de la prochaine étape : la transat...!



En rab : 

Pour les curieux : notre trace qui s’actualise en navigation en haut à droite dans la partie « Ou est Mowgli » et bientôt quelques photos dans le dossier du même nom. 



Pour les marins : navigation de 1428 miles au portant plein vent arrière ou grand largue, avec alternance de régime soutenu force 5 à 7 B sous génois seul (principalement en début et fin de parcours) ou petit temps 2 B avec ciseau tangonné ou génois léger. Nous sommes très contents des nouvelles voiles...avec une moyenne sur la totalité du parcours à 5,7 nœuds. Par contre, une éolienne et l’alternateur d’arbre d’hélice n’ont pas fonctionné, nous obligeant, à contrecœur  à mettre le moteur pour les batteries, nouveau grand frigo oblige. 






















Jules Livrivore! 2381 pages dévorées, sans compter les BD, encyclopédie historique et autre guide de pêche pendant ces dix jours de navigation.